jeudi 15 octobre 2015

L'Argentine à Paris

[de gauche à droite et de haut en bas : Catalina León : "Angel" (2004-09)
Elisa Strada - Luis Terán - Martin Cordiano et Tomas Espina
Martín Legón - Roberto Aizenberg "Pintura" 1978]
Dans la délicieuse petite galerie La Maison Rouge à Paris, visite de l'exposition "My Buenos Aires, portrait d'une ville" (20/06 au 20/09/2015). 65 artistes argentins brossent le portrait de la ville de 3 millions d'habitants qui s'étend sur 200 km2, et dont le "Grand Buenos Aires" englobe 15,5 millions d'habitants.
Des visions éclectiques de la ville, au travers de l'histoire mouvementée de l'Argentine, de la dictature aux crises économiques les plus récentes.

M'ont particulièrement interpellée : 
- la vidéo d'Ana Gallardo qui trimballe dans une charrette de fortune tirée à vélo les quelques objets et meubles qui lui restent de sa vie d'avant son expulsion
- la peinture de Catalina León qui intègre des déchets, objets trouvés, tissus, bout de palissade...
- le tableau ô combien surprenant réalisé par Elisa Strada à partir de prospectus apposés sur les poteaux, les murs, ou dans les lieux publics : cela "illustre la fugacité urbaine" : offres de services les plus divers (de la promenade des chiens à la compagnie féminine), promos de politiciens, restaurants, attractions etc.
La cabane d'Eduardo Basaldo
- la cabane d'Eduardo Basaldo ("L'île") calcinée dans laquelle on pénètre assez inquiet, un par un, avançant en tâtonnant dans une sorte de labyrinthe onirique et déroutant
- l'installation de Martin Cordiano et Tomás Espina  ("Dominio", 2013) : une pièce d'apparence a priori ordinaire mais quand on y pénètre, on constate que chaque meuble ou objet a été brisé et rafistolé. Tout est cassé et rescotché ou réparé "comme si de rien n'était, les failles demeurent moins apparentes"
- les totems de Luis Terán moulés à partir de bouteilles et bidons en plastique
- le lit d'enfant de Gabriel Chaile ("L'oraison efficace", installation, 2011) dont les pieds sont composés de livres, objets personnels, et qui fait aussi office de table et d'autel de prière : "l'ingénierie de la nécessité"
- les vidéos de Gabriela Golder qui montrent la violence aussi économique et sociale, montée au ralenti ce qui duplique l'angoisse

CINEMA ARGENTIN :

Plus récemment, nous avons également vu deux films argentins très forts, extrêmement bien interprétés, et caractérisés tous deux par une lenteur bienvenue (mais qui peut perturber certains): 
  • l'un politique, "KAMCHATKA" (réalisé en 2004 par Marcelo Pineyro, avec Ricardo Darín, Cecilia Roth, Héctor Alterio...) : un film tout en retenue qui relate la fuite d'une famille d'intellectuels au moment du coup d'Etat militaire de 1976. Les parents installent la petite famille dans une maison recluse, tout le monde doit choisir un nouveau prénom. Les enfants ne comprennent pas la situation, mais la complicité et la grande tendresse des parents pallient. on joue au jeu de société Risk, l'enfant conquiert le monde tandis que le père n'a plus qu'un bastion à défendre, le Kamchatka...
    Un film qui surprend par son traitement du sujet de la dictature sans montrer aucune image de violence ni réflexion politique, sinon une vision indirecte des affres qu'elle infligera à cette famille à l'image de tant d'autres.
  • et l'autre plus sous forme de chronique sociale désabusée, "LA CIENAGA" (réalisé en 2001 par Lucrecia Martel, avec Mercedes Morán, Andrea Lopez , Fabio Villafane...) : dans la petite ville  de La Ciénaga ("le marécage"), province de Salta, à la saison des pluies tropicales, deux familles passent ensemble les vacances en deux camps, les parents, affalés près de la piscine à l'eau stagnante dans une langueur et une torpeur alcoolisée, et les enfants, quasi livrés à eux-mêmes, désoeuvrés parfois, alanguis aussi par la chaleur, et d'autres fois remuants et en quête de bêtises. Cousins cousines, frères, soeurs livrés à aux-mêmes, ne sachant que faire de la journée dans cette chaleur étouffante, souvent allongés sur les lits, sentant naître un désir interdit.
    La promiscuité est omniprésente, pourtant personne ne se sent vraiment proche (à part la petite Momi qui s'obsède pour la jeune bonne) : la mère s'affale ivre au bord de la piscine et se taillade la poitrine sur un plateau de verres, le sang gicle, personne ne réagit vraiment. 

Pour finir ce post sur Buenos Aires et l'Argentine, voici quelques-uns des livres chroniqués sur ce blog et consacrés à ce beau et passionnant pays :

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