mercredi 29 octobre 2014

Kim Thuy : "Ru" (Vietnam/Canada)

***** (Ed. Libre Expression, 2009, 146 p.)
Réf. géogr : Vietnam/Canada (Granby/Montréal)

Le récit autobiographique d'une jeune vietnamienne contrainte de fuir son pays sous la menace communiste, à l'âge de dix ans. 
Du jour au lendemain, l'auteure dépeint le basculement d'une vie aisée à Saigon à la condition de "boat people", réfugiée dans un camp en Malaisie puis acceptée à l'immigration au Québec, à Granby. 

La petiote se voit confiée dans cette fuite pour la vie un bracelet de plastique rose bourré de diamants, qui sera perdu...
"Absolument plus personne ne connaîtra la vraie histoire de ce bracelet rose une fois que l’acrylique se sera décomposé en poussière, une fois que les années se seront accumulées en milliers, en centaines de strates, car après seulement trente ans je ne nous reconnais déjà plus que par fragments, par cicatrices, par lueurs."
"Alors, peut-être qu’un jour, dans des milliers d’années, un archéologue se demandera pourquoi des diamants sont placés ainsi en cercle dans la terre ? Il interprétera peut-être cela comme un rite religieux et les diamants, une offrande mystérieuse, comme tous ces taels d’or découverts en quantité étonnante dans les fonds marins du Sud-Est asiatique." (p.142)
Kim Thuy déroule ses souvenirs entre sobriété et poésie, d'une plume délicate. Elle oscille au gré des chapitres entre souvenirs de sa vie au Vietnam et nouvelle vie au Canada.
C'est un petit livre magistralement écrit, qui en quelques pages nous plonge dans le quotidien vietnamien, les odeurs, la maison de famille, la tante si particulière, puis dans le froid québécois où l'accueil par les gens de Granby est si sympathique et pourtant si incongru pour une petite Vietnamienne :
"Je me demande si je ne l’ai pas inventée cette amie. (…) Elle faisait partie d’une armée d’anges qui avaient été parachutés sur la ville pour nous donner un traitement de choc. Ils étaient à nos portes par dizaines à nous offrir des vêtements chauds, des jouets, des invitations, des rêves. (...) 
"Comment visiter le zoo de Granby plus de deux fois par fin de semaine ? Comment apprécier un weekend de camping dans la nature ? Comment savourer une omelette au sirop d’érable ?"
L'intégration dans une autre communauté, un environnement différent, n'est pas si simple en dépit des meilleures volontés. Kim Thuy écrit que petite, quand bien même les petits Canadiens ne juraient que par leur bol de céréales le matin, elle ne pouvait se passer de son bol de riz.  
Intéressante aussi la description de toutes ces formalités d'intégration dans le nouveau pays d'adoption. 


Sur Monsieur Minh, rencontré dans un restaurant de Côte-des-Neiges :
"Il avait écrit plusieurs livres pendant ses années au camp de rééducation, et ce, toujours sur le seul et unique bout de papier qu’il possédait, une page par-dessus l’autre, un chapitre après l’autre, une histoire sans suite. Sans l’écriture, il n’aurait pas entendu aujourd’hui la neige fondre, les feuilles pousser et les nuages se promener. Il n’aurait pas non plus vu le cul-de-sac d’une pensée, la dépouille d’une étoile ou la texture d’une virgule."

J'ai aussi trouvé cette phrase tellement magnifique...
"Ma mère a commencé à vivre, à se laisser emporter, à se réinventer à cinquante-cinq ans." (p.72)

--> voir ma rubrique "Livres d'Asie" et mon répertoire "Lectures d'Asie et Océanie"

2 commentaires:

  1. Je ne lis ton billet qu'en diagonale, ce livre est dans ma PAL et je pense le lire d'ici quelques semaines!

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  2. Voilà, je viens de le lire! Comme toi j'ai beaucoup aimé, à tel point que j'en aurais pris plus!

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