mardi 11 septembre 2012

Le "11 septembre" vu par le peintre allemand Gerhard Richter

Tableaux avec Betty,
 la fille du peintre
Attirée par la superbe affiche de l'exposition consacrée au peintre allemand Gerhard Richter, à Beaubourg, qui représente la photo de sa fille de dos, cheveux en chignon... sauf que ce n'est pas une photo mais bien une peinture... Donc je suis allée (deux fois !) voir cette expo.

Gerhard Richter est un peintre contemporain, 80 ans aujourd'hui, dont je n'avais jamais entendu parler, et dont les oeuvres m'ont envoûtée.
Aujourd'hui, je retiens plus particulièrement son tableau "Septembre". Le 11 septembre, il y a 11 ans...

SEPTEMBRE / SEPTEMBER
Huile sur toile (2005), MoMa New York

Le 11 septembre 2001, au moment où le premier avion s'écrasait dans la Tour nord du Wall Trade Center, Gerhard Richter survolait l'atlantique à bord du vol Cologne/New York de la Lufthansa.
Il se rendait à NY pour l'inauguration d'une exposition qui lui était consacrée. Les autorités américaines prenant la décision de fermer totalement l'espace aérien US, le vol de G. Richter fut détourné sur Halifax au Canada.
Quatre ans plus tard, il peignit le tableau "Septembre", d'après une photographie, et qui représente la tour sud du World Trade Center en partie cachée par la fumée provenant de la tour nord déjà frappée.

Vignette d'accompagnement du tableau "Septembre" à l'exposition de Beaubourg :
« Cette force énorme, ce pouvoir effrayant de l’idée qui va jusqu’à la mort.
Gerhard Richter : Haggada (2006) à gauche et Septembre (2005) à droite
Pour moi, c’est bouleversant, inexplicable, que nous produisions des idées qui, presque toujours sont non seulement, complètement fausses, mais surtout néfastes. L’enjeu des guerres de religions et que sais-je encore, n’est que balivernes, et nous y adhérons férocement, fanatiquement jusqu’à la mort ».

(Gerhard Richter, 1989 dans Textes, Dijon, Les presses du réel 1999)


 

G. Richter : Septembre/September, exposé au centre Pompidou (août 2012)

Extrait du catalogue du centre Pompidou / interview de Gerhard  Richter par Nicholas Serota, directeur de la Tate Gallery :

«(...) NS : Quel est donc le but de l’art ?
Gerhard Richter : Il permet de survivre dans ce monde. Un moyen parmi de nombreux autres, comme le pain, comme l’amour…NS : Et que vous donne-t-il ?
GR : Certainement quelque chose à quoi l’on peut de raccrocher. Il a la mesure de tout ce qui est insondable, insensé, absurde, de l’incessante cruauté de notre monde. L’art nous montre comment voir ce qui est constructif et bon, et à y prendre une part active.

NS : Il structure donc le monde ?
GR : Oui, il apporte le réconfort, l’espoir, de sorte qu’y participer n’est pas vide de sens.

NS : Y a-t-il des sujets qu’il vous est impossible de peindre ?
GR : Je ne pense pas qu’il y ait de sujet qui ne puisse être peint, mais il y en a beaucoup qu’il m’est impossible de peindre.

 NS : Dans le cas de Septembre, aviez-vous songé en 2001 à la possibilité de peindre un tableau inspiré du sujet, ou l’idée est-elle venue bien plus tard ?
GR : Quatre ans plus tard, à vrai dire. Bien que les images publiées dans les journaux m’aient bien entendu profondément choqué, je ne pensais pas qu’il était possible de peindre cet instant, et certainement pas de la façon qu’ont choisi certains, avec le point de vue insensé que cet acte atroce était une sorte de happening ahurissant, pour le célébrer comme une méga œuvre d’art.

NS : Vous vous êtes donc efforcé de trouver un moyen de traiter le sujet sans le rendre spectaculaire ?
GR : Absolument, en me concentrant sur son incompréhensible cruauté et son caractère atrocement fascinant…

NS : Lorsque vous peignez des tableaux réalistes, vous faut-il être très précis ?
GR : Oui, dans le sens le plus large du terme.

NS : Que cherchez-vous à obtenir avec ces images réalistes ?
GR : Je m’efforce de peindre une image de ce que j’ai vu et de ce qui m’a ému, le mieux possible. C’est tout. (...)»



John Bailiwick, chroniqueur sur le site de l'American Society of Cinematographers, familier de l'oeuvre de Richter, a d'abord vu une image plutôt bucolique dans ce tableau, avant de réaliser ce qu'il représentait vraiment. Il demanda par mail à 25 amis de lui dire ce qu'eux voyaient dans ce tableau. Les réponses sont surprenantes quand on connaît le sujet du tableau, mais l'exercice est intéressant :
  • This is a very soothing image to me, reminding me of the gentle lapping of a deep lake with the sun reflecting and playing with the surface.
  • For me it inspires ideas of the woods and the sea combined. I see trees and the texture of smooth trees, like birch. I also ‘see’ the ocean, and sea life like dolphins, swimming. Do you now think I’m crazy? Just joking. It’s lovely and peaceful.
  • My reading of the “painting” is of a young man or woman facing away from a screen door damaged by a storm but is facing the unseen damage inside.
  • Well, at first I thought it was an abstract reflection of a boat on the water.  But the longer I looked at it I began to feel something destructive and disturbing and began to imagine the debris exploding from the first impact into the twin tower.
  • I admit that it took me a while to realize that this was not a reflection in water, as I initially thought. The colors seemed so familiar and the patterns looked like ripples on a lake. Soon I realized that I was looking at the first tower collapsing, on 9/11. (...)
09
Richter devant "Septembre"
(The ASC website)
Dans une interview au Spiegel en 2005, Richter a expliqué sa difficulté à peindre "Septembre", même après avoir réalisé plusieurs études et dessins :
"These are only failed attempts. I couldn’t get this stereotypical image of the two towers, with the smoke billowing out of them across the deep blue sky, out of my mind.
Finally, I tried to paint it, but it didn’t lead anywhere. Even while I was painting, this was the wrong approach."
Il a presque peint par dessus la toile pour la recycler comme il l'avait déjà fait pour des toiles qui ne lui donnaient pas satisfaction.
"He did scrape it nearly clean, but found a solution when he painted over it, muting the yellow fireball, then applied a squeegeed layer of paint over the image of the towers." (source : ASC)

A voir sur le site de Richter : une vidéo de 19 minutes de Robert Storr présentant “September” et la place qu'occupe ce tableau dans le panorama des peintures "historiques" et dans l'oeuvre de Richter.


Quelques instantanés de l'expo RICHTER au Centre Pompidou :
Ceci est bien une peinture... 
(affiche lumineuse Ctre Pompidou d'après portrait de Betty)
Gerhard Richter : peinture abstraite (1990)


--> Voir la rubrique "EXPOS" ou celle "PEINTURE"

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